Les blaireaux européens (Meles meles) sont, après le glouton, les deuxièmes plus gros des mustélidés européens. Ils mesurent 70 à 80 cm en moyenne pour 10 à 12 kg. Ce sont des omnivores aux mœurs essentiellement nocturnes qui habitent dans de grands terriers et vivent en clans territoriaux. Pour ces êtres sentients, peu étudiés d’un point de vue cognitif, la cruelle pratique du déterrage est un vrai cauchemar

Vie sociale

Les blaireaux européens vivent seul, en couple, ou en groupe. En France, le groupe est souvent constitué de trois à quatre adultes avec éventuellement deux à trois jeunes. Néanmoins, le plus grand clan naturel connu était constitué de 35 individus, au sein du Woodchester Park, au Royaume-Uni. Il peut y avoir une ou plusieurs femelles reproductrices au sein d’un même clan. Il existe une grande variabilité d’organisations d’une zone géographique à une autre, principalement en lien avec la disponibilité des ressources. Le territoire d’un clan peut couvrir de 20 hectares jusqu’à plus de 150 hectares. Le cœur du territoire est protégé des intrusions, mais les zones de recherche de nourriture peuvent se chevaucher. Une étude a montré que des blaireaux déplacés sur des territoires de leurs voisins retrouvaient rapidement leur chemin, ce qui n’était pas le cas s’ils étaient déplacés en dehors. Cela suggère une représentation spatiale des domaines vitaux des groupes qui les entourent. La même étude a montré une tolérance limitée aux voisins directs.

Le territoire est délimité par des marques odorantes, notamment via la mise en place de véritables latrines où chacun dépose ses fèces dans un petit trou. Chaque clan aurait ainsi son odeur caractéristique, permettant de l’identifier, que les individus génèrent en se frottant leur postérieur – où se trouvent les glandes concernées – l’un contre l’autre. Le mélange des odeurs spécifiques des individus d’un clan devient l’odeur du clan. Les blaireaux peuvent ainsi distinguer les membres de leur clan, ceux des clans voisins, et les étrangers.

D'immenses galeries aménagées pour maison

Les terriers des blaireaux peuvent être très grands et descendre jusqu’à 5 mètres sous terre. Ils sont constitués de nombreuses chambres, accessibles par plusieurs entrées (jusqu’à 40 pour les plus grands) et reliées par de multiples tunnels totalisant plus de 100 mètres, parfaitement entretenus pour éviter la prolifération des puces et des poux. Très attentifs à l’hygiène, les blaireaux n’y défèquent pas et n’y ramènent jamais de nourriture. L’étude d’un terrier anglo-saxon, dans le Gloucestershire, doté de 12 entrées et plus de 300 mètres de tunnels, a montré que plus de 25 tonnes de terre avaient été déplacées pour sa construction !

Les quartiers servant de dortoirs sont tapissés d’herbes et de feuilles sèches qui les isolent du froid durant l’hiver. Les blaireaux aèrent cette litière en la sortant à l’air libre lorsqu’il fait beau avant de la remettre en place. Dans les régions les plus froides, les dortoirs sont plus profonds pour être hors d’atteinte du gel. Certains terriers sont dotés de puits d’aération pour assurer la circulation de l’air.

Demeures historiques

Souvent, la nouvelle portée naît dans une chambre nouvellement construite. Un terrier est généralement habité et agrandi par plusieurs générations de blaireaux pendant de nombreuses années. L’un d’entre eux a même été habité pendant plus de 200 ans par la même famille !

Au sein d’un même clan, les individus sont adeptes du toilettage mutuel pour éliminer les parasites. Il arrive aussi que plusieurs blaireaux partagent une même chambre, mais cela ne dure jamais plus de quelques jours. Leur mode de reproduction est complexe, et une même portée peut avoir plusieurs pères. Certains résultats de recherche montrent même que la moitié des bébés auraient pour père un individu extérieur au groupe. Les observations de soins alloparentaux sont très rares, mais pas inexistantes. Il est probable que la vie souterraine des blaireaux réserverait de nombreuses surprises si elle était étudiée de plus près… et que ces animaux ne soient pas aussi primitifs dans leur vie sociale que certains chercheurs le présument.

De la vie en communauté

Les clans de blaireaux peuvent disposer de différents terriers de taille variable dispersés sur leur territoire. Les terriers annexes sont utilisés par les plus jeunes, principalement durant l’été. Le terrier principal est utilisé de manière communautaire, il n’est pas sous-divisé en territoires. Il peut même arriver qu’une famille de renards s’installe dans une partie inoccupée. Elle ne partagera cependant pas les mêmes accès. Des observations d’autres colocataires ont été faites, notamment des campagnols, belettes et chats…

A la recherche de nourriture

De mœurs nocturnes, c’est à la tombée de la nuit que les blaireaux partent – en solitaire – à la recherche de nourriture. Ils se nourrissent de petits mammifères, d’amphibiens, d’œufs, d’insectes, de fruits, de racines et de bulbes, et consomment une grande quantité de vers de terre (jusqu’à 100 kg par an !). Avec leur peau épaisse et leurs longues griffes, ils sont l’un des rares prédateurs des hérissons. Une étude a montré qu’ils sont capables de repérer en une seule nuit une nouvelle source de nourriture sur leur territoire et d’en mémoriser l’emplacement pour y revenir.

Communication

Outre leur odorat très développé, les blaireaux disposent pour échanger de l’information d’une large gamme de vocalises. Ces vocalises ne prennent sens qu’associées au langage corporel. Une même vocalise peut avoir plusieurs significations en fonction du contexte. Elles apparaissent donc réservées à des commu-nications interpersonnelles de courte distance.

Seize types de vocalises ont été identifiées, telles que l’aboiement, le gazouillement, le gloussement, le grognement ou le ronronnement. Quatre sont émises par les adultes, quatre autres par les bébés, les huit restantes l’étant par les deux générations. Lorsqu’ils sont blessés à mort, les blaireaux poussent un cri terri- fiant, au point que certains chasseurs ont cessé de les tuer après l’avoir entendu…

La chasse sous terre dont ils sont encore victimes en France au nom de la tradition est une pratique d’une cruauté sans nom durant laquelle certains individus sont traqués dans leur terrier, puis tués, souvent à coups de hache. Le reste de leur famille peut être enterrée vivante par obstruction des accès.

Le déterrage a été interdit dans la plupart des pays européens. La France est, avec l’Allemagne, le dernier pays à autoriser le déterrage en Europe de l’Ouest, malgré l’opposition de 83 % des Français (IPSOS/ One Voice, 2018).

RÉFÉRENCES

  1. Bodin, (2005) : Partage de l’espace et relations de voisinage dans une population continentale de Blaireaux européens (Meles meles) (Argonne ardennaise, France). Thèse de doctorat, Université de Montpellier II, 134 p.
  2. Bodin, C. Benhamou, S., Poulle, M-L. (2006) : What do European badgers (Meles meles) know about the spatial organisation of neighbouring groups? In : Behavioural Processes, Volume 72, Issue 1, March 2006, Pages 84-90.
  3. Ellwood, S.A. ; Newman, C. ; Montgomery, R .A. ; Nicosia, ; Buesching, C.D. ; Markham, A. ; Mascolo, C. ; Trigoni, N. ; Pasztor, B.

; Dyo, V. ; Latora, V. ; Baker, S.E.; Macdonald, D.W. (2017) : An active-radio-frequency-identification system capable of identifying co-locations and social-structure: Validation with a wild free-ranging animal. Methods in Ecology and Evolution, 2017; DOI: 10.1111/2041-210X.12839.

  1. Mellgren, R. L., & Roper, J. (1986) : Spatial learning and discrimination of foodpatches in the European badger (Meles meles).

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  2. Woodroffe, (1993) : Alloparental behaviour in the European badger, in : Animal Behaviour, Volume 46, Issue 2, August 1993, Pages 413-415.
  3. https://www.wildlifeonline.me.uk/animals/article/european-badger