Ils ont élu domicile sous un grand chêne, dont les racines majestueuses forment la structure de leur terrier. Entre elles, le terrier ne peut s’effondrer. À la fois colonnes entre lesquelles les couloirs peuvent s’étendre, et protection naturelle. Mais voilà que les ouvertures de leur terrier se ferment une à une, bouchées par des pelles ou des branchages.
Soudain, un tonnerre retentit au-dessus de leurs têtes. Des coups de pelle frappés à plat sur le sol ou sur les arbres surplombant leur terrier éclatent comme autant de détonations. C’est l’affolement. Un blaireautin sort péniblement de son sommeil et voit ses parents paniqués.
Le couple ne sait quelle direction prendre pour mettre à l’abri son petit : les issues sont fermées, et des intrus sont entrés dans le terrier. Ils doivent faire face aux aboiements et aux crocs qui se rapprochent, aux cris des humains en surface enivrés par l’alcool et l’odeur du sang. Les blaireaux hurlent, implorants, bouleversants, mais seuls les rires leur répondent.
Les parents blaireaux cherchent alors à empêcher les chiens d’accéder à la pièce souterraine où ils se sont réfugiés, à l’à-pic du tronc du chêne. Pour ce faire, il faut au plus vite fermer tous les conduits, pour créer une poche hermétique au reste du terrier, dernier recours face aux intrusions. Et c’est cernés de toutes parts que les animaux terrorisés vont assister impuissants, durant près de cinq heures, à la démolition implacable de leur unique refuge.
Les déterreurs, armés de sondes qu’ils enfoncent dans le sol jusqu’aux galeries, puis oreilles plaquées au sol, écoutent d’où viennent les cris des animaux, estiment la profondeur du terrier et le lieu le plus stratégique où creuser. Mais là, il semble que le chêne se dresse entre eux et leurs futures victimes. Qu’à cela ne tienne : armés d’une hache, ils se relayeront pour couper l’une des trois racines principales de l’arbre, mesurant plus de vingt centimètres de diamètre.
Manquant d’air, le père tentera de permettre à son petit de respirer en ouvrant un peu la poche protectrice. Il n’en faudra pas plus pour que les chiens parviennent, après des heures de recherche, à les situer. Le blaireau qui tentait de sauver son bébé se fait mordre et lance un gémissement déchirant. Soudain, des pinces métalliques surgissent. Son petit se fait saisir par l’abdomen entre les barres de fer et arracher du trou. Le malheureux sera ainsi « présenté » dans son extrême détresse aux chasseurs et à leurs fans en liesse… Le coup de feu retentit. Le blaireautin s’immobilise, puis convulse pendant de longues secondes. Un veneur entame une petite danse, et chante « Pointu comme un couteau, aiguisé comme une lame ». Quelques instants et un nouveau coup de feu plus tard, le mâle adulte sera à son tour abattu, directement dans le trou, après un combat qui fera perdre un bout d’oreille à l’un des chiens exténués. Sa dépouille rejoindra celle de son fils, abandonnée au sol. Quant à la mère et aux autres blaireautins, protégés par les racines restantes, les chasseurs « fatigués » les laisseront dans leur terrier ravagé, sans manquer de reboucher la tranchée, pour qu’ils y meurent asphyxiés…
Les cadavres seront ensuite traînés à travers bois jusqu’à la remorque servant au transport des chiens, où ils seront jetés sans ménagement.