Avec leur pelage noir et blanc, les blaireaux sont facilement identifiables. Mais rares sont ceux qui ont la chance de pouvoir observer ces mustélidés réservés. Portrait de travailleurs enthousiastes, solidaires et pacifiques qui méritent tout notre respect… plutôt que d’être assassinés jusqu’au fond de leur terrier.
Quand on surprend un individu à la nuit tombée, pointant son nez hors de son terrier, on croit rêver. La timidité des blaireaux européens (Meles meles) est telle qu’ils préfèrent se faire la belle s’ils repèrent le moindre danger grâce à leur odorat très développé. Ce n’est pas pour rien qu’ils choisissent de passer plus de la moitié de leur vie, bien à l’abri dans leur logis.

Architectes responsables

Fouisseurs et terrassiers hors pair, c’est sous terre qu’ils se calfeutrent. Mais leurs refuges n’ont rien de simples grottes, creusées n’importe où à la va-vite ! En bons ingénieurs, ils ne choisissent pas leurs adresses au hasard. Lorsqu’ils en ont la possibilité et que l’environnement n’est pas trop fortement anthropisé, ils privilégient les milieux discrets (sous-bois, bosquets, haies), en retrait des activités humaines. Leurs vrais coups de cœur vont aux sols à la fois meubles et résistants et si possible en pente (talus, flancs de coteau…) qui faciliteront le déblayage et le drainage. Ils s’assurent également de la structure de la végétation alentour dont les racines garantiront la pérennité de leurs ouvrages, ainsi que de la présence d’eau et de ressources alimentaires suffisantes pour l’ensemble de leur petite tribu.

Infatigables bâtisseurs

Une fois le lieu de leur futur domicile repéré, les travaux peuvent commencer. Et ils peuvent compter sur leur endurance, leur courage, leur ardeur et les prouesses de leurs pattes pour concevoir de véritables cryptes dignes de celles des cathédrales ! Ainsi, certains terriers s’étendent parfois sur plusieurs hectares. Il faut dire que chez les blaireaux, on prend soin de l’héritage familial. Leurs demeures s’agrandissent au fil des générations, avec un enchevêtrement de galeries s’enfouissant jusqu’à cinq mètres de profondeur ! Chacune dessert des étages et des chambres destinées à des usages spécifiques : dortoirs, salle des naissances et même latrines ! Très soucieux du confort et de l’hygiène de leur logis, les rois du ménage nettoient régulièrement leur intérieur, aèrent les litières et même les renouvellent, en revenant d’expéditions en surface chargés de mousse et de brassées d’herbes sèches ou de fougères.

L’esprit de groupe

Chacun des adultes occupant la maisonnée prend part aux corvées domestiques. Ici, les femelles n’ont pas à se plaindre des mâles pour les épauler ! Et il y a toujours fort à faire au sein de l’habitat collectif qui regroupe en moyenne une dizaine d’individus, jeunes inclus. Très soudé, le clan familial partage tout, y compris la même odeur avec laquelle il balise allègrement son territoire. Outre les marquages olfactifs, les blaireaux utilisent également pour communiquer une large gamme de signaux sonores allant des ronronnements aux hurlements, en passant par les gémissements, couinements, bêlements, et autres grognements. Et quand les petits s’amusent ensemble dans l’herbe fraîche du printemps, ce sont de joyeux piaillements ! Y compris lorsqu’ils jouent avec leurs voisins les renardeaux, dont les parents squattent une partie de leurs terriers inoccupés, sans que personne ne s’en offusque !

Réputation mensongère

Ainsi, les blaireaux n’ont rien de ces monstres abjects dépeints et massacrés par les chasseurs. Noctambules souterrains et prudents, ils pâtissent de leur discrétion et de la méconnaissance qui les entoure. Depuis le Moyen Âge au moins, on leur reproche en cascade, leur odeur, leur noirceur, et pourquoi pas d’avancer masqués… Aujourd’hui, leurs détracteurs tentent de justifier la haine qu’ils leur vouent en les accusant de voler quelques épis dans les cultures, d’être vecteurs de maladies, de mettre parfois en péril des infrastructures urbaines. Autant d’arguments exagérés, voire fallacieux, illustrant surtout l’incapacité de certains humains à supporter la présence de la faune sauvage à leurs côtés, même lorsque ce sont eux qui l’envahissent ! Dans ce combat inégal et injuste, les blaireaux font figure de parfaits boucs émissaires. On peut leur faire porter tous les chapeaux s’ils manquent à la barre pour se défendre ! Seuls ceux qui les défendent de longue date, tels notre association, l’ASPAS ou AVES et ceux qui s’y intéressent découvrent le haut degré de sentience de ces animaux extrêmement attachants et leur rôle considérable dans la préservation de la biodiversité. Ils contribuent notamment à l’aération des sols et à la dissémination des graines dans leurs excréments. Laissons-les vivre en paix, c’est tout ce à quoi ils aspirent ! Et si leurs mœurs et leur grimage recèlent encore une part de mystère, c’est sans doute qu’ils ne réservent leurs précieux secrets qu’à quelques initiés…